Tout juste ordonné diacre, l’abbé JOËSSEL prononce sa première homélie, à l’occasion du mariage de son frère Yves avec Agnès ALLARD, à Lille dans l’église de la Madeleine.
Si, pour les mariés, c’était évidemment la « première fois », ils n’étaient pas les seuls à vivre cette « première fois » … Yves explique : « Le mariage était célébré par l'abbé GAND, cousin de ma femme, qui venait d'être ordonné prêtre : c'était son premier mariage. Le discours fut prononcé par mon frère Dani, diacre depuis quelques jours : c'était son premier sermon. »
ALLOCUTION PRONONCEE PAR MONSIEUR L’ABBE JOËSSEL AU MARIAGE DE MONSIEUR YVES JOËSSEL ET MADEMOISELLE AGNES ALLARD
Le 4 juillet 1933
Ma chère Agnès, mon cher Yves,
Diacre de l’Église de Jésus-Christ, c’est pour la première fois que je parle au nom de Celui à qui j’ai consacré ma vie. L’Évêque m’a appelé avant-hier ministre du Christ et, c’est donc à la place de Notre Seigneur, que je vais vous parler. Aussi me suis-je demandé ce que le Maître de vie vous aurait dit et j’ai pensé qu’il vous aurait parlé d’espérance.
Tout ne vous invite-t-il pas, en effet, en ce jour inoubliable pour vous à espérer ? Et d’abord, le Seigneur ne vous aurait-il pas montré toute cette foule qui vous entoure, toute cette assemblée de parents et d’amis qui d’un coeur unanime demande au bon Dieu, Notre Père, votre bonheur futur et éternel, et il vous aurait dit : « Là où deux ou trois s’accordent pour demander quelque chose à mon père en mon nom, je suis au milieu d’eux. »
Et ma chère Agnès, cette seule tristesse que vous ayez le droit d’avoir aujourd’hui, celle que vous ressentez de l’absence de celui qui demeure toujours votre père, je crois que le Maître vous l’aurait enlevée par une de ces paroles immortelles dont il a le secret : « Ne pleurez pas sur lui, vous aurait-il dit, car il est heureux dans mon royaume qui n’est pas de ce monde. » Celui que vous ne voyez plus, ma chère Agnès, mais qui du Ciel, vous voit mieux et vous aime mieux que s’il était présent sur terre, n’est-il pas une raison d’espérer ? Il prie pour vous mieux que toutes les présences et je vous demande à tous deux de vivre toujours de son souvenir. Tu dois apprendre à le connaître, mon cher Yves, car il sera pour toi un exemple et un soutien.
Et puis la démarche que vous avez voulu faire aujourd’hui me semble la vraie raison de tous vos espoirs. C’est devant le prêtre représentant du Christ, devant le Tabernacle où demeure vraiment Notre Dieu que vous faites serment de fidélité.
Pour que votre lien soit irrévocable, vous demandez à Dieu lui-même qui est éternel de sanctionner vos promesses à vous qui passez. Sans doute vous sentez-vous le cœur assez riche pour alimenter un amour qui ne doit finir qu’avec la vie. Mais comme pour donner une réponse définitive à ceux qui douteraient de la constance humaine, le Christ nous dit : « L’homme ne sépare point ce que Dieu a uni. » Si cette parole vous fait ressentir toute l’importance de la démarche que vous avez voulu faire, elle doit être aussi l’assurance de votre fidélité. Si Dieu s’est montré si bon Père en disposant toutes choses pour vous faire connaître et aimer, comment douter qu’il ne vous protègera et qu’il ne vous unira l’un à l’autre tous les jours davantage ?
Doutez-vous encore de votre force et voyez-vous un avenir tout chargé de difficultés matérielles, d’éducation de vos enfants, écoutez le Maître qui répond à vos préoccupations : « A chaque jour suffit sa peine, le lendemain aura soin de lui-même.»
La loi de Dieu vous semble-t-elle trop dure, trop exigeante, le Christ est là qui vous répond : « Sans doute est-ce impossible aux hommes ; mais tout est possible à Dieu. » Vous le prierez de vous accorder la grâce de lui être fidèles et il vous donnera ce que vous lui demandez. Mais alors, me direz-vous, il n’y a plus de sujet d’inquiétude. Avec un si bon Père le passé est pardonné, le présent est tout joyeux puisque vous vous aimez (et cela est bien, et cela doit être ainsi). L’avenir est entre les mains d’un Dieu qui ne hait aucune de ses créatures puisque c’est lui qui les a toutes faites, d’un Dieu qui vous aime tous deux particulièrement. Alors, pas d’inquiétude, n’est-ce pas, plus que de la joie. Oui ! « si vous cherchez d’abord le royaume de Dieu, tout le reste vous sera donné par surcroît ». La grâce de Dieu rendra vos âmes plus délicates, plus adorables que jamais.
Ce que trop de chrétiens timides considèrent comme un fardeau, je veux que la grâce de compter nombreux autour de votre table des enfants de votre race vous soit elle aussi une joie.
Ainsi, ayant placé hardiment toute votre espérance en Dieu, ne doutant jamais de sa bonté, malgré toutes les épreuves dont aucune vie ne saurait être exempte, vous mènerez cette vie heureuse que nous vous souhaitons tous, que je vous souhaite de tout mon cœur de frère très affectionné et nous nous retrouverons comme nous sommes ici, bien unis dans une même foi et une même espérance…. là-haut.
Puisse le Seigneur nous accorder cette grâce.
Ainsi soit-il.