Lettre du P. Michel PLESSIS au
chanoine MULLER, curé d'Asnières
Michel PLESSIS (11 novembre 1892 – 2 juin 1982) a été ordonné prêtre le 29 juin 1922 à Paris. Vicaire à Ste-Geneviève d’Asnières en 1940, il a été le directeur de conscience du futur archevêque de Paris le Cardinal Pierre VEUILLOT, alors jeune prêtre (Renseignements fournis par les Archives Historiques de l’Archevêché de Paris, AHAP).
Maison Saint – Joseph + 18 septembre 1940
Rue de Gérofosse, 6
Etampes
Seine-et-Oise
Bien cher Monsieur le Curé
J’ai reçu votre lettre il y a quelques instants : ce matin même, pendant mon action de grâce, je pensais à l’Abbé JOËSSEL, le supposant rétabli, et je demandais au bon Dieu qu’il n’ait pas trop à souffrir de sa captivité !
Comme tous ceux qui l’ont connu, je m’étais attaché à lui et m’en étais fait un ami ; je l’avais vu d’assez près, deux années de suite en colonie, pour comprendre les trésors que cachait son âme : vous avez été mieux placé que n’importe qui pour apprécier la profondeur de son action, sur les enfants et les jeunes gens en particulier, et pourtant je suis sûr que pendant longtemps encore on aura des preuves de cette action de plus en plus nettes sous les yeux.
C’était une âme toute de lumière, de bonté, de délicatesse, dont la joie ne disparaissait jamais longtemps devant la difficulté ou l’échec momentané, parce que jamais l’enthousiasme n’y avait été éteint ni même arrêté.
Je n’ai pas besoin de vous dire combien il vous aimait, cela aussi vous étiez à même de le savoir et de le sentir mieux que les autres ; mais je puis cependant vous dire en quels termes d’admiration affectueuse il me parlait de « son Curé ». Il avait pour vous un véritable culte, je ne crois pouvoir mieux exprimer ce qu’il me disait ressentir à votre égard. Je sais bien aussi comme vous le lui rendiez et combien ce deuxième sacrifice que le bon Dieu vous impose pèse lourdement sur votre âme ; je n’ai vécu que deux mois auprès de vous, mais il ne m’a pas fallu si longtemps pour éprouver de quelle surnaturelle tendresse d’affection votre cœur est capable ; aussi je sais qu’il est en ce moment comme broyé par la douleur. Je prie pour vous de tout mon cœur, je prie l’Abbé JOËSSEL qui vous aimait tant de vous soutenir lui-même dans l’amertume que vous laisse son départ ; car je suis tellement persuadé qu’il a reçu tout de suite la récompense de l’acte de charité parfaite qu’il a fait en mourant et qui n’était en somme que l’aboutissement logique de sa vie toute à Dieu et aux âmes !
J’ai moi-même plus de chagrin que je ne saurais vous le dire de la perte d’un si précieux ami.
Veuillez agréer, bien cher Monsieur le Curé, l’expression de mes sentiments bien attristés de fidèle reconnaissance et d’affectueux respect.
Michel PLESSIS